Vols sur le lieu de travail: comment réagir?
Que risquent les employés surpris en flagrant délit de vol? Quelles sont les mesures que l’employeur peut mettre en place pour éradiquer le vol sur le lieu de travail?
Depuis quelques années, le lieu de travail est le théâtre d’une nouvelle tendance: le vol! Certains employés peu scrupuleux transforment le bureau en supermarché et n’hésitent plus à y faire leurs courses. Et tout y passe! Rouleaux de papier toilette, capsules de café, sacs poubelle ou encore papier et cartouches d’imprimante. Ces vols sont commis pour diverses raisons. Il en va ainsi de l’employé qui considère que son salaire n’est pas assez élevé et qui compense son manque à gagner en volant son employeur.
Alors en tant qu’employeur, comment réagir face à ces vols?
Licenciement immédiat
L’article 337 du Code des obligations (ci-après CO) prévoit que l’employeur peut résilier immédiatement le contrat de travail en tout temps pour de justes motifs. Par justes motifs, il faut entendre toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail.
Selon la doctrine et la jurisprudence, la commission d’un acte pénalement répréhensible tel que le vol viole gravement le devoir de diligence et de fidélité de l’employé, conformément à l’article 321a CO. De nature à rompre le lien de confiance indispensable aux rapports de travail, le vol représente, en principe, un juste motif de licenciement immédiat. Toutefois, cette affirmation est nuancée par le Tribunal fédéral. Ce dernier insiste sur le fait que dans chaque cas de vol, les circonstances du cas d’espèce et la gravité du délit doivent être spécifiquement examinées.
Quelle que soit sa décision, l’employeur doit encore porter une attention toute particulière sur la nécessité d’une réaction immédiate de sa part. Pour que la résiliation soit immédiate en raison du vol, le Tribunal fédéral considère que l’employeur ne doit pas attendre plus de deux à trois jours entre la connaissance du vol et la résiliation immédiate. Dans le cas contraire, il faudrait supposer que l’employeur a renoncé à ce droit.
Cas pratiques
Le Tribunal fédéral a jugé dans un arrêt du 19 octobre 2006 qu’un vol d’un montant de 50 francs commis par une infirmière responsable d’une équipe de nuit dans un hôpital au détriment d’un patient justifiait son licenciement avec effet immédiat. Le Tribunal fédéral a considéré qu’une infirmière est garante du bien-être et de la sécurité des patients. Le lien de confiance entre les parties a été totalement et irrémédiablement rompu (Arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2006).
Le Tribunal fédéral a également qualifié de juste motif le cas d’un employé de chantier qui a emporté des objets hors du chantier sur lequel il travaillait. Le Tribunal a considéré que le motif était d’autant plus justifié que trois ans auparavant, le même employé avait été réprimandé par son employeur en raison du fait qu’il avait emporté du gravier appartenant à une société tierce par le biais d’un véhicule de l’employeur. A ce moment-là, l’employeur avait expressément indiqué à son employé qu’il n’entendait pas qu’il prélève quoi que ce soit sur les chantiers à l’avenir (Arrêt du Tribunal fédéral 4C_400/2006).
Par contre, le cas d’un collaborateur surpris en flagrant délit de vol d’un classeur ou de crayons doit faire l’objet d’un avertissement. Ce n’est qu’en cas de récidive qu’un licenciement immédiat se justifierait.
Surveillance contre les vols
Un mécanisme de surveillance des collaborateurs est admissible si l’entreprise a un intérêt prépondérant à le mettre en place. Cet intérêt peut être la sécurité ou l’organisation du travail. La mesure doit dans tous les cas être proportionnée et les collaborateurs préalablement informés. Les installations de surveillance destinées principalement à surveiller le comportement des employés sur leur lieu de travail sont par contre prohibées par l’article 26 alinéa 1 de l’Ordonnance 3 relative à la loi sur le travail (ci-après OLT3).
Selon le Préposé fédéral à la protection des données (ci-après le Préposé), la surveillance des vols par l’employeur à l’encontre de ses propres employés est considérée comme un contrôle du comportement des collaborateurs. Ce type de surveillance est en principe prohibé.
Vidéosurveillance
Toutefois, dans un arrêt du 12 novembre 2009, le Tribunal fédéral a jugé le cas d’une bijouterie qui avait placé une caméra de vidéosurveillance secrète près de son coffre. Cette vidéosurveillance avait permis de désigner l’employée qui volait des sommes d’argent. Le Tribunal fédéral a considéré que la surveillance secrète ne portait pas atteinte à la personnalité des collaborateurs et qu’une caméra qui filme le coffre et non pas la place de travail vise à prévenir les actes illicites de tiers. Dès lors, cette surveillance n’est pas contraire à l’article 26 OLT 3 (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_536/2009).
Selon les circonstances, le Préposé admet qu’il peut même être justifié de procéder à des fouilles des employés qui quittent certains locaux. Il en va ainsi lorsque des objets de grandes valeurs sont susceptibles d’être emmenés. Lorsque les objets ne sont pas de grandes valeurs, la grande quantité dérobée et la fréquence élevée des vols peuvent justifier une fouille des collaborateurs. Toutefois, une telle mesure est une atteinte grave à la personnalité de l’employé et il est nécessaire de vérifier si le principe de proportionnalité est respecté.
Dans tous les cas, avant de prendre des mesures de surveillance, l’employeur doit se demander s’il existe des moyens moins invasifs qui permettent d’atteindre le même but. Il s’agit de mettre en place un système de surveillance de manière à ce qu’il porte le moins possible atteinte à la personnalité du collaborateur.
Mesures à prendre
Pour lutter contre le vol sur le lieu de travail, l’employeur se doit d’édicter des règles claires et précises. Il est fortement conseillé d’établir une disposition relative au vol sur le lieu de travail dans le «Règlement du personnel» ou dans une directive. De cette manière, le collaborateur est clairement informé des risques encourus en cas de vol et ses conséquences. S’il entend mettre en place un système de surveillance tel que la surveillance vidéo, l’employeur le fera au moyen d’une directive.
Paru le 5 avril 2013 dans HR Today par Marianne Favre Moreillon
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